Et si vieillir m'était conté... aurais-je peur? Devrais-je avoir peur?
Peur que tes yeux se lassent de mon visage et de mon corps meurtris par les griffes du temps... peur que l'amour me tourne le dos à jamais...
Sauras-tu m'aimer quand même, avec ma peau aussi blanche que la neige dans les sapins en Décembre... avec mon teint aussi terne que les cendres desséchées d'un arbre calcifié... avec mes cernes aussi sombres que le cœur inflexible d’Atropos... avec mes cicatrices aussi violentes que le fouet brûlant la peau des esclaves... avec mes rides aussi vilaines que la cruauté d'un enfant dans une cour de récré...Sauras-tu m’aimer quand même, lorsque ma
mémoire se fera vaporeuse comme un arc-en-ciel et que j’oublierai malgré moi le
charme de nos premières étreintes… quand
ma main, maladroitement, cherchera la tienne sans parvenir à la prendre car je
tremblerai trop…
quand parfois, je te regarderai sans comprendre qui tu es
et que je réclamerai ma grand-maman car j’aurai peur de toi… quand je voudrai
te partager pour la millième fois les histoires de mes ancêtres que tu connaîtras
mieux que moi… quand je serai fragile comme un nourrisson et qu’il faudra que
tu me nourrisse et me soigne… quand mes absences imprévisibles seront plus
fréquentes que mes présences atrophiées… quand tu devras me guider et parler
plus fort car l’obscurité dans mes yeux me cachera la magie dans les tiens et
que mes oreilles ne percevront plus l’opéra des oiseaux au petit matin…
Sauras-tu m’aimer d’un amour plus fort que les tempêtes
de la Vie ?
Sauras-tu m’aimer d’un amour qui survivra aux
déflagrations de la Grande Faucheuse ?
Sauras-tu m’aimer d’un amour qui combattra sans relâche
les horloges du Temps ?
Sauras-tu m’aimer d’un amour plus intense que tous les
autres amours qui soient ?
Si la réponse est non, alors, je ne veux pas que vieillir
me soit conté… surtout si c’est vieillir sans être aimé de toi…
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